En Équateur, la forte hiérarchisation de la société induit une grande distance entre la culture dominante et les autres cultures, ou plutôt avec le « reste », car la stratification sociale est directement héritée de la société coloniale et la violence symbolique exercée depuis le sommet de la pyramide sociale constitue une force reconnue, subie, acceptée et intégrée dans le rapport à l’Autre… L’Art en général, la littérature, la sculpture seront avant tout des espaces de reconnaissance et d’imposition de valeurs esthétiques, certes, mais aussi, bien entendu, de valeurs sociales, morales et politiques. Dans Cumandá, l’une des œuvres phares du romantisme latino-américain, Juan León Mera fait l’apologie des valeurs de l’Église victime des assauts de la mouvance libérale dont le chef de file, dans bien des occasions, sera Juan Montalvo, adversaire acharné du dictateur conservateur García Moreno. Les rivalités politiques, souvent centrées sur des personnes qui s’affirment comme des autorités intellectuelles polarisent et dynamisent l’espace littéraire : « Mía es la gloria. Mi pluma lo mató » dira Juan Montalvo à la mort de García Moreno, assassiné le 6 août 1875. Ce dynamisme se manifeste par la création de journaux, et de revues d’où s’impose au sein même d’une élite, d’une hiérarchie non contestée, une vision de la société. Comme le précise Pierre Bourdieu :
Dos actitudes, pues, existen para mí en el escritor: la del encauzador, la del conductor y reformador –no en el sentido acomodaticio y oportunista– y la del expositor simplemente, y este último punto de vista es el que me corresponde: el descrédito de las realidades presentes, descrédito que Gallegos mismo encuentra a medias admirativo, a medias repelente, porque esto es justamente lo que quería: invitar al asco de nuestra verdad actual (22).